L’alimentation cétogène a le vent en poupe, particulièrement chez les diabétiques car elle peut amener des résultats positifs sur le court terme. Vous serez peut-être alors tenté de la tester pour vous-même, la conseiller, ou l’avez peut-être même déjà adoptée dans votre hygiène de vie.
Si c’est le cas, et avant d’aller plus loin, prenez un temps de recul, et lisez cet article jusqu’au bout.
Vous allez découvrir que cette alimentation peut provoquer de graves complications, et que les effets positifs du début laissent vite place à une aggravation de l’état de santé.
De quelle alimentation parle-t-on exactement ?
L’alimentation cétogène est basée essentiellement sur l’apport en matières grasses et une teneur très réduite en glucides.
L’assiette-type apporte environ :
- 75% des calories sous forme de matières grasses
- 20% des calories sous forme de protéines
- 5% des calories sus forme de glucides
Rq : lorsque ce régime est proposé pour l’épilepsie il est même encore plus drastique et contient 90% de graisses, 6-8% de protéines et 2-4% de glucides.
Cette alimentation peut être sous sa forme omnivore (avec une grande quantité de viande, poisson, beurre, …) ou alors sous sa forme hypotoxique végétale (avec de l’avocat, de la noix de coco, des graines, des verdures…).
Le mirage anti-diabète à court terme
Une glycémie sanguine qui s’élève peu, une hémoglobine glyquée qui baisse drastiquement, une perte de poids…voilà les effets bénéfiques le plus souvent rapportés par les personnes qui appliquent cette alimentation.
La question la plus importante à se poser est quelles en sont les raisons ? Et est-ce que les phénomènes biologiques sous-jacents sont bénéfiques ou délétères.
Cet apport massif de graisses est difficile à digérer, il engorge souvent le foie, provoque des nausées, du dégoût ou coupe la faim. Ainsi les personnes vont naturellement moins manger, avec en conséquence une baisse de l’apport calorique.
C’est cette baisse qui est responsable d’après plusieurs médecins (dont le Dr Neal Barnard) des effets positifs sur le court terme. Tout baisse calorique va provoquer une perte de poids, et celle-ci va dans un premier temps améliorer les paramètres insuliniques : l’hémoglobine glyquée HbA1c s’améliore notamment.
Mais une perte de poids est acceptable seulement si elle se fait en protection de la santé globale, pas si elle la détériore !
D’ailleurs les personnes suivant un régime cétogène remontent souvent un état de grande fatigue au bout de quelques semaines, voire des difficultés à réfléchir, se concentrer.
Regardons en détails comment sont affectés plus précisément les diabétiques.
Les effets toxiques du régime cétogène pour les Diabétiques type 1
Les risques sont bien plus élevés pour les D1. Plusieurs enzymes sont en effet nécessaires à l’élimination des cétones, et celles-ci sont abaissées sur un D1 car il y a une dérégulation métabolique.
2 études cliniques nous renseignent sur les conséquences concrètes pour l’organisme.
La première[1] qui s’est focalisée sur des enfants conclut que malgré l’amélioration de l’A1c ce régime n’est pas recommandé sur le long terme car il provoque des effets secondaires sérieux sur les plans métaboliques et psychologiques :
- Retard de croissance staturo-pondérale, malnutrition sévère,
- faiblesse de densité osseuse,
- aménorrhée,
- troubles du comportement et problème de fonctionnement cérébral.
- Risques cliniques sévères,
- Mauvaise tolérance pour 70%
La deuxième[2] a mis en évidence le risque accru de complications cérébrales, des reins, du foie et des capillaires chez les D1 du fait d’une mauvaise élimination des cétones en circulation. C’est cette hausse toxique qui pose problème au fur et à mesure de leur accumulation.
Par ailleurs, le régime cétogène augmente fortement le stress oxydant, et crée un climat inflammatoire dans le corps.
Il y a un risque augmenté de stéatose hépatique non alcoolique (la maladie dit du « foie gras »).
Ce régime est très carencé en aliments protecteurs : le corps a bien du mal à protéger ses tissus, ses organes.
Enfin, cette alimentation finit par induire une résistance à l’insuline par dérégulation des récepteurs insuliniques membranaires.
La conclusion est que l’on a des biomarqueurs améliorés sur le court terme, mais de sérieux problèmes sous la surface !
Les effets délétères du régime cétogène pour le diabète type 2
La situation est un peu différente pour le diabète de type II, les dérégulations métaboliques sont moindres. L’élimination des cétones se passe mieux, et on reste avec un taux de cétones moins important.
Le problème principal est que l’on apporte des aliments qui augmentent le taux de cholestérol avec au long court plus de risques d’atteintes vasculaires, coronaires, des vaisseaux des yeux, et des reins.
Ce sont les complications cardiovasculaires qui représentent la 1ère cause de mortalité chez les diabétiques. On voit souvent une élévation de plus de 10% du taux de cholestérol sur du cétogène, ce qui représente un réel danger lorsque celui-ci se dépose et s’oxyde.
Les particules circulantes de LDL-cholestérol se déposent en effet au niveau artériel si elles sont oxydées (LDL-oxydé), d’où la nécessité d’obtenir beaucoup d’antioxydants protecteurs dans l’alimentation : la clef est de protéger notre cholestérol circulant.
Malheureusement le régime cétogène est le plus pauvre en aliments utiles pour neutraliser les radicaux libres et protéger nos tissus de l’oxydation.
D’ailleurs, la qualité nutritionnelle de l’alimentation est à garder au cœur des réflexions lorsque l’on veut améliorer un terrain diabétique. Essayons toujours de garder une vision globale de l’alimentation qui agit comme une symphonie sur notre corps.
La qualité d’un régime se note sur :
- Le nombre de fruits et légumes/jour
- La quantité de fibres
- L’apport de phytonutriments protecteurs et d’antioxydants
- L’équilibre du microbiote avec la mise en place d’une flore saine pour abaisser l’inflammation chronique.
2 objectifs principaux lorsque l’on est diabétique
Améliorer son diabète veut dire restaurer la capacité du corps à manger de la nourriture saine, incluant les glucides qualitatifs.
Le régime cétogène ne permet pas cela, on ne restaure pas la capacité à tolérer les bons glucides comme un morceau de fruit par exemple.
L’abondance de graisses saturées induit une aggravation de la résistance à l’insuline.
L’autre objectif est de prévenir les complications associées au diabète pour améliorer la qualité de vie, la longévité.
« Nous avons une abondance d’études qui prouve que les régimes à faible teneur en glucides, quels qu’ils soient, cétogène ou autres augmentent le risque de cancer, le risque de maladies cardiovasculaires et le risque de mortalité toutes causes confondues. Nous avons aussi beaucoup de preuves que manger des fruits, des légumes glucidiques, des légumes secs prolongent la vie, diminuent les risques cardiovasculaires, ont une action antiinflammatoire, abaissent les risques de développer un cancer…c’est prendre un risque énorme de ne pas consommer ces aliments sur le long terme !! » Dr Michelle Mc Macken
Il faut donc revenir sur cette idée que les bénéfices à court terme s’accompagnent toujours de bénéfices à long terme.
Le Dr McMacken précise au cours de sa dernière intervention lors du Sommet sur le diabète que les effets positifs peuvent pour certains se poursuivre sur 6 à 9 mois mais qu’après cette période le régime cétogène commence à générer des problèmes cliniques. Elle indique qu’à ce jour il n’y a pas de durée limite validée par la science pour un régime cétogène sans danger.
L’alternative saine et efficace sur le long terme : l’alimentation végétale faible en gras (VEFG)
Cette alimentation végétale, entière et faible en gras, qu’on trouve sous son nom anglais Low Fat Whole Food Plant Based (WFPB) est extrêmement bénéfique pour les diabétiques.
Son efficacité, largement démontrée aujourd’hui, vient de plusieurs causes :
- Une teneur en fibres +++ :
> Pour réguler son poids de façon saine en abaissant la densité calorique
> Pour construire un microbiome intestinal sain
Les fibres sont en lien avec l’amélioration locale du métabolisme, la réduction des risques de développer un cancer. Elles libèrent les acides gras à courtes chaînes comme le butyrate : amélioration de la fonction insulinique, aide aux mitochondries pour brûler plus de gras, nettoyage plus rapide, et action anti-inflammatoire.
Tout cela cumulé agit sur la baisse de la résistance à l’insuline !
- Moins de graisses saturées et trans qui sont la cause principale de la résistance à l’insuline
- Présence d’antioxydants polyphénols antiinflammatoires, diminution du stress cellulaire, l’insuline fonctionne mieux.
- Pas de fer dans sa forme héminique. Il a été démontré qu’il augmente la résistance à l’insuline. Mieux vaut le fer issu des plantes qui peut être régulé par l’organisme en fonction de ses besoins.
- Moins de produits avancés de glycation (AGEs), moins de nitrosamines qui aggravent la résistance à l’insuline, et enfin TMAO en moindre quantité (l’oxyde de trimethylamine aggrave la résistance à l’insuline en plus d’être corrélé à l’augmentation du risque cardiovasculaire).
Les produits avancés de glycation présents dans la nourriture sont plus élevés dans les produits animaux et les produits très transformés. Ils provoquent de l’inflammation, du stress cellulaire, et l’accumulation de graisses néfastes
CONCLUSION
Pour conclure, gardons à l’esprit que la confusion qui existe sur le régime cétogène vient des bons résultats visibles sur le court terme. Ceux-ci nous font oublier que des processus néfastes vont s’installer insidieusement et générer des problématiques sérieuses à partir de quelques mois et sur le long terme.
Avec l’alimentation cétogène on traite le symptôme et pas la cause profonde du diabète de type II. Hors pour l’inverser, il faut s’attaquer à la racine du problème.
Quant au diabète de type I, le principal objectif est d’améliorer le contrôle de la gycémie en réduisant drastiquement les hypoglycémies réactionnelles pour être plus longtemps dans la cible. La conséquence est un bien meilleur confort de vie, plus d’énergie. Améliorer la sensibilité à l’insuline va également permettre de prévenir les complications sévères du diabète.
Seule l’alimentation végétale entière a montré des effets positifs sur tous ces aspects et bien d’autres encore. C’est l’alimentation la plus protectrice et équilibrante qui améliorera la situation chez les diabétiques de tous types.
Chaque petit pas compte et tout changement demande du temps.
Si vous voulez vous offrir plus de santé et de confort dès aujourd’hui sans hypothéquer votre santé future, n’hésitez pas à faire déjà quelques pas en direction de cette alimentation végétale entière.
Ces premiers efforts seront largement récompensés !
Amanda Velez, Naturopathe
Note : Cet article a été rédigé sur la base des interventions des Dr Neal Barnard, Dr Michelle Mc Macken, Brenda Davis, Dr Rick Dina, Dr Angie Sadeghi lors du Mastering Summit Diabetes de Janvier 2020.
[1] « Can a ketogenic diet be safely used to impose glycemic control in child diabete I » Mc Lean
[2] « Hyperketonemia and ketosis increase the risk of complications in type 1 diabetes. » Preeti Kanikarla-Marie